La Mort Choisie. Daniel Carre
J’ai particulièrement apprécié son approche clinique des situations concrètes qu’il a vécu depuis trente ans, qui rendent son ouvrage sur la mort extraordinairement vivant.
Les premiers chapitres de l’ouvrage dressent un historique de l’évolution depuis 1975 de l’attitude du système de santé devant des situations extrêmes. Ses interrogations sur la « mort naturelle » et sur la médicalisation de plus en plus importante de l’accompagnement de la fin de vie sont au cœur des débats actuels. Son livre décrit toute l’évolution qui a eu lieu en Belgique depuis l’adoption de la loi sur l’euthanasie du 28 mai 2002.
La loi Belge a d’abord autorisé la mort choisie.
« Les patients capables d’exprimer clairement leur volonté d’euthanasie, c’est-à-dire leur volonté de choisir le moment de partir, ne seront jamais qu’une très petite minorité. Car il faut un caractère certain pour affronter les médecins, les équipes soignantes, et des proches parfois défavorables ou peu à l’écoute de ces demandes. Il faut la personnalité de celui qui veut assumer sa vie jusqu’au bout. C’est là une attitude stoïcienne qui n’est pas très répandue »
L’exemple de personnalités Belges d’exception comme Christian de Duve ou Hugo Claus illustrent cette citation du livre.
L’auteur montre que même dans ces cas de choix du moment de partir, l’accompagnement s’impose. Le geste euthanasique n’est que l’ultime étape d’une démarche lucide et souvent sereine, très éloignée de la violence que certains évoquent en France pour déconsidérer la situation Belge.
La loi Belge a facilité le développement des soins palliatifs.
Ce paradoxe, très bien illustré par François Damas, provoque l’ire de certains praticiens palliatifs Français. En effet, l’accompagnement de la fin de vie place le médecin dans une problématique de dialogue avec son patient : euthanasie ou soins palliatifs n’est pas une alternative. Euthanasie et soins palliatifs sont des démarches interactives et complémentaires. Plus de 50% des personnes euthanasiées en Belgique ont bénéficié de soins palliatifs.
L’analyse sur l’utilisation de la sédation apporte un éclairage nouveau au débat Français. La pratique de la sédation terminale représente en Belgique quatre fois plus d’accompagnement de fin de vie que l’euthanasie. L’auteur insiste sur la nécessité du choix donné au patient entre sédation et euthanasie.
Il montre également que ce sont des actes très techniques qui doivent être pratiqués par le médecin lui-même, en même temps que des soins infirmiers adaptés à la situation du patient. L’intervention du médecin pour calmer des douleurs agoniques est une obligation et ne doit pas être considérée comme une euthanasie.
Des interrogations qui subsistent
François Damas termine son livre par des interrogations. J’en retiens une première qui nous interpelle tous : la crainte du déclin cognitif entraîné par les maladies neuro dégénératives comme Alzheimer.
« Personne ne voudrait souffrir de ce genre de maladie, pour deux raisons évidentes : la première tient à l’image de soi, que l’on ne veut pas voir détériorée. La seconde consiste à de venir un fardeau pour les siens. C’est alors que se pose la question d’une anticipation de la mort et d’un raccourcissement de la phase de détérioration la plus grave. »
Or la personne atteinte de démence ne sera plus en état d’exprimer sa volonté. L’auteur suggère alors que la personne atteinte d’une telle maladie rédige une déclaration anticipée de refus de soins, éventuellement rédigée avec un conseil médical. C’est la formule que proposent les Allemands. Dans la situation Française, une telle déclaration devrait faire référence à la loi Kouchner. Elle serait une forme élaborée de Directives Anticipées au sens de la loi Leonetti. Le mandat donné à la personne de confiance pourrait être fortement renforcé si celle-ci est investie d’un mandat de protection future. Le mandataire est alors l’interlocuteur exclusif vis à vis des autorités de santé, donc celui qui donne ou refuse le consentement éclairé au maintien de traitements indispensables à la survie de la personne incapable d’exprimer sa volonté. Bien entendu en cas d’arrêt de traitement, le médecin sera alors dans l’obligation de procéder à une sédation terminale.
L’autre interrogation concerne les personnes de grand âge. Le constat recoupe les études qualitatives faites en 2011 par le Centre d’Étude Clinique de Cochin. « La grande majorité des vieillards préfère ne pas penser à la manière dont ils vont mourir. Ils espèrent simplement être pris en charge convenablement pour ne pas vivre une fin pénible. »
François Damas démontre cependant qu’il faut écouter ces demandes dont le déni peut entraîner des suicides tragiques pour l’entourage et la personne qui met fin à ses jours dans la souffrance.
Daniel Carré
32 Bd Arago 75013 Paris